samedi 10 juillet 2010

AVA: l'association des vierges anonymes!

-je m’appelle Samira, j’ai 40 ans et je suis vierge… depuis la naissance (ben voyons ! ça pétille d’intelligence !)…

-bonjour Samira !

-raconte-nous ton histoire Samira !

-quoi mon histoire ? ben mon histoire c’est justement que je n’ai jamais eu d’histoire… jamais de bidule dans le machin-chose… jamais de clou dans le trou, vous comprenez ? jamais de saucisse dans ma marmite… même pas un coup de pinceau comme on dit, ou frotti-frotta avec le moindre couilloneux… rien, walou, nada…

-et le regrettes-tu ?

-si je le regrette…

No way ! je n’irai jamais dans une asso pareille si elle existait !

J’en ai eu l’idée saugrenue en regardant la série « Life ». Les flics sont partis enquêter sur le meurtre d’une nouvelle riche, membre de « l’association des gagnants en loto anonymes » ! il parait que les nouveaux milliardaires dépriment de se retrouver d’un coup au centre de l’intérêt très intéressé de tous les proches (et même les moins proches) cupides et hypocrites.

J’ai alors pensé à l’association qui réglerait mon souci le plus urgent et c’était ça : les vieilles vierges… mais vrai de vrai ! pas la virginité hyménale, organique…

Je vois ma mère passer et je m’imagine vierge à 64 ans… mon hymen s’étant effrité de vieillesse et mon vagin déserté des honnêtes travailleurs qui le maintiennent élastique et luisant… fait dont je ne suis pas certaine : l’élasticité de mon vagin, je veux dire… mais je suppose, je suppose… que de suppositoires tout ça…

Et là je me dis : merde Samira, tu auras 64 ans, sans que personne ne t’ait jamais dit : qu’il est bon de se noyer dans tes boyaux !!

Si je le regrette… trop facile comme question… trop subjective, même enveloppée de tout le désintérêt imaginable et l’empathie possible… Moi-même, je ne me suis jamais posé la question, pour la simple raison que je n’ose pas ébranler mes vieilles convictions classées. Je ne veux pas me pencher sur des questions existentielles d’ordre religieux et sociétal, tout ça pour une question de cul que je peux régler avec un film érotique et une prière pour me laver de mon péché.

Et puis même si je le regrettais, que je balayais d’un revers de main (je balaie bien) toutes mes inhibitions, pensez-vous que je pourrais sortir le soir même, ou même dans un an, trouver un bonhomme et m’écarteler dans son lit pour qu’il m’honore de la visite de son compagnon d’armes? ça va pas?

C’est beaucoup trop compliqué. Il y a une sorte de barrière mentale qui s’est installée et qui s’élève chaque jour un peu plus. C’est difficile de lui faire face et ça sera plus difficile demain. Cette barrière a érigé un plan presque organique qui s’épaissit dans mon entre-jambes. Essayer de le déchiqueter n’est pas à l’ordre du jour.

Si je le regrette… je regrette surtout de ne pas savoir ce que c’est que de fusionner avec un être au point de lui livrer une face bariolée de ces sensations qui font honte… que de se laisser déchoir aux dégradantes hautes voltiges charnelles.

Il parait qu’on me réserve une grosse part au paradis, comme à toutes les vierges. J’espère qu’elle est bien bonne, voire meilleure que celle des pécheresses qui choisissent de consommer sur terre.

Ma mère repasse et je la regarde. Je peux facilement imaginer son air dégoûté et sa figure dédaigneuse en voyant une scène hot à la télé avant qu’on ne s’empresse de zapper la chaine. Je peux aussi me remémorer ses propos lorsque dans une séance de commérage, on parle d’une fille qui s’est laissée habiter par le diable : « elle n’a pas honte ? son postérieur a pris feu comme une chienne ! »

Facile à dire pour toi Lwalida, t’as été mariée à 17 ans.

C’est à croire que le désir est acquis lui aussi chez Ladoule. Bien entendu, les rares fois où il s’est agi de mon frère Jaouad, elle disait : « c’est un homme, il a besoin de se défaire du vice et puis il ne va voir que des putes… de toute façon, les filles de bonnes familles gardent leurs jambes serrées ! »

Bonté divine ! Comment voulez-vous que nos hommes, élevés dans ce mode de pensées, ne soient pas complètement déboussolés, rêvant à la partenaire sexuelle de leurs fantasmes mais s’accrochant à la chaste vision de leurs vieilles mamans. Ce sont bien les mères qui rendent dingues leurs fils, pas la religion… celle là fléchit des fois, pas le conditionnement maternel… et qu’on se le dise bien, les femmes sont toutes de potentielles rivales les unes aux autres. Une femme n'aime pas voir une autre femme s'emparer de l'intérêt et des grâces de ces hommes...

Mère ! un jour je te parlerai de Jaouad et de Kenza sa femme, de leur rencontre… je te dirai avec plaisir comment elle a été la maîtresse de leur ex patron à tous les deux, qu’elle était le coup facile de tout le service avant que les feux de l’amour n’embarquent mon petit frère dans une passion ardente… j’attendrai qu’ils aient deux ou trois gosses pour que tu leur foutes la paix, mais surtout que tu te fasses vieille, tétraplégique et grabataire… car ça va te tuer…

26 commentaires:

Najlae a dit…

vraiment bravo pour dire les choses comme elles sont

Marocanication a dit…

où va le monde si l'on peut plus crier la vérité même tapi sous l'anonymat! :)
ça ne m'a pas demandé trop de courage en fait..
Merci de passer :)

mounir a dit…

bravo ici aussi

Marocanication a dit…

Merci ici aussi :)

Mohamed Najib a dit…

Bravo Lalla, tu m'as appris à comprendre le monde ténébreux des femmes un peu plus.
Sauf que l'arrière plan de ton espace ne facilite pas la lecture.
Merci aussi à Hisham qui m'a conduit jusqu'ici

Anonyme a dit…

Allah ir7em biha lwalidin ma diri Background k7el, C'est impossible de lire ton blog.

rime a dit…

Bravo.
Je suis tout à fait d'accord sur le fait que ce sont les mères qui reproduisent ce modèle de pensée, celui-là même qu'elles rejetaient lorsqu'elles étaient plus jeunes.

Il fut un temps où ma mère était féministe et aujourd'hui, cette phrase pourrait très bien sortir de sa bouche : « c’est un homme, il a besoin de se défaire du vice et puis il ne va voir que des putes… de toute façon, les filles de bonnes familles gardent leurs jambes serrées ! »

espérons juste qu'on ne finira pas comme elles...

Marocanication a dit…

je viens de changer l'arrière plan. je suis désolée de vous avoir infligé l'ancien :)

@Mohamed Najib: je n'irai pas jusque là. Je n'ai certainement rien à vous apprendre.
J'espère seulement avoir pu éclairer certaines questions qui demeurent souvent obscures à cause du non dit.
Merci à Hisham! son article m'a été précieux :)

Marocanication a dit…

à l'anonyme, je me suis exécutée sans attendre :)

Marocanication a dit…

@rime: ça c'est un autre sujet, celui des parents dont la mentalité régresse avec l'âge et l'approche de la mort :)
nous reproduisons un schéma d'éducation à la chaine. C'est comme dans une grande fabrique où les jeunes ouvriers râlent contre le système et créent des syndicats avant de fléchir et de rentrer dans les rangs.
Merci de me lire :)

ramhal a dit…

Excellent Blog ! Merci.
Rachid

Marocanication a dit…

Rachid: lehla ykhetik :)

Lolo a dit…

Nous ne sommes pas du même pays, ni de la même culture, mais qu'importe!
Tes textes simples et criards de vérité sont boulversants!
Continue ils seront peut-être une porte de sortie pour toi et toutes celles qui en ont besoin!
Lolo, française 38 ans à l'écoute !

celia a dit…

Bonjour,
Je suis arrivée ici par l'article de Global Voice qui est sur la liste rezo.net. Je pense que ça va t'amener pas mal de gens du coup.
Je suis très contente d'avoir découvert ce blog, je le trouve vraiment génial. Je suis une française de 37 ans et me retrouve dans tes paroles qui me ramènent quelques années en arrière. Nous avons pas mal de choses qui nous séparent : le pays, le contexte religieux et culturel mais à une époque j'étais un peu dans la même situation que toi. Ma relation avec mes parents, l'attitude de ma mère, mon éducation m'ont menée dans une impasse quant à ma relation aux hommes et j'ai été vierge assez tard sans le vouloir réellement et en m'en désolant constamment. Je souffrais beaucoup. J'ai pu rompre ce cercle étouffant grâce à quelques années de psychanalyse : je sais que ce n'est pas une solution universelle (approche occidentale, accès pas facile, difficulté de trouver quelqu'un de compétent etc…) mais en tout cas j'ai au moins pu travailler sur certaines attitudes systématiques et auto-excluantes de ma part.
Parfois le fait de partir physiquement du contexte dans lequel on étouffe permet de prendre de la distance et de changer certaines choses, ça a été mon cas. Mais je sais que c'est bien plus facile à faire en France qu'au Maroc.
En tout cas j'ai mis ce blog dans mes favoris et vais y revenir très régulièrement.
Tu écris vraiment très bien et du coup je suis impatiente de pouvoir lire les prochains posts.
Je pense que ce blog te permettra aussi de pouvoir échanger avec plein de monde au Maroc ou ailleurs et ça c'est précieux.

Marocanication a dit…

@Celia: Je suis déjà contente de n'être sur la toile que depuis une semaine et de réussir à avoir des lecteurs!
Hisham m'aide beaucoup, je lui en suis reconnaissante :)
En lisant te commentaire je suis arrivée à la conclusion que le contexte culturel et religieux n'y est pas pour grand chose finalement, que le noeud se trouve ailleurs.
Je crois que durant mon éducation,j'ai raté une station en fait. Celle de la rébellion, celle où je devais m'envoler de mes propres ailes quitte à fâcher les parents, parce qu'ils se seraient fâchés n'importe comment. Un peu comme tous les parents qui s'opposent naturellement au départ de leurs enfants. J'avais pas compris dans le temps que c'était naturel comme attitude. Je m'en rends compte trop tard et j'en paie le prix double.
Je suis tout à fait d'accord pour m'éloigner physiquement mais dans l'état actuel des choses, je ne peux m'offrir ce luxe, à moins de trouver un travail, moi qui traine une phobie des entretiens.
Mais sait-on jamais ce que nous réserve l'avenir?
contente de te compter parmi les miens. :)

Fa a dit…

Merci d'avoir parlé pour moi et toutes ces femmes de mon pays qui souffrent dans le silence avec comme seul lot de consolation l'idée éventuelle qu'on ira au paradis...

Marocanication a dit…

avouons le : piètre consolation... :)

celia a dit…

Je pense en effet que tu touches le nœud du problème quand tu parles de la nécessité de la rébellion. Ce qui m'a aidé, apparemment contrairement à toi, c'est qu'il y avait peu d'amour dans ma famille donc je n'avais pas à gérer le paramètre "chantage affectif" face à la décision de partir physiquement et de m'éloigner de certaines valeurs inculquées par ma mère.
Après, le départ physique est une nécessité mais le plus gros travail c'est dans la tête qu'il se fait, contre soi même et ce qu'on nous a inculqué : l'auto aliénation.
Même si tu as perdu quelques années, il n'est jamais, JAMAIS trop tard pour changer les choses qui ne nous conviennent pas!

Marocanication a dit…

Celia,
ton conseil est précieux mais surtout rafraichissant... y a comme un vent d'espoir qui souffre à chaque fois que j'ouvre les coms.
Merci :)

Unknown a dit…

Bravo,
j ai simplement aimé aller jusqu'au bout de l'article,
j remercie Bilal de m'avoir poussé é la page FB puis ici,
c'est vraiment contrasté chez nous ce sujet (et tant d'autre d'ailleurs) mais l'expliciter de ta manière ici ça incite la réflexion
toujours penser à commettre le péché en prévoyant les moyens de repenti à l'avance !! "tout ça pour une question de cul que je peux régler avec un film érotique et une prière pour me laver de mon péché"
Bravo encore

Marocanication a dit…

Bonjour :)
Je remercie Bilal aussi, bien que je ne le connaisse pas moi même :) me permettre d'élargir mon lectorat est le meilleur cadeau que l'on puisse me faire :)

ça me fascine de relever la différence entre les aspects qui intéressent chacun des lecteurs qui ont défilé sur ce blog ou sur le groupe facebook :)

Pour te répondre, je dirais que prévoir le repentir est dans la nature humaine pour peu qu'elle ait un peu de moralité, religieuse ou pas.

Merci :)

Anonyme a dit…

hormis le fait de posséder les numériques, le maroc profond n'a pas encore vu la couleur du changement...nous vivons dans une société patriarcale pleine d'hypocrisie sous couverts d'interdits et de paradoxes!
tbarkallah 3la samira je compatis :))

Marocanication a dit…

@latrace: ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est un tiraillement entre ce qu'on est, ce qu'on veut être et ce qu'il nous est permis d'être, sans jugement ni trop de réticence. C'est une véritable souffrance générale, peu de gens y échappent... beaucoup le croient avant qu'ils ne soient rattrapés par leur nature "gracieusement" imprégnée.
Bref, merci de me lire et de partager votre avis :)

5estrellas a dit…

Un bolg comme on en fait plus...J'ai eu cette certitude rien qu'en lisant ton dernier article..elle grouille de vérité ..je continuerai à te lire c'est promis!!!

celia a dit…

Quelques semaines se sont passées et je pensais pouvoir lire un nouvel article en revenant… pas encore. C'est pas grave, j'attendrai!
Par contre il y a un truc qui m'a fait "sourire", c'est que dans la réponse(17 juillet) à mon commentaire tu as fait un lapsus : "y a comme un vent d'espoir qui souffre à chaque fois que j'ouvre les coms"
A méditer…
Sinon, concernant les nœuds du problème, il y a, entre autres, le statut des femmes qui est partout le même, quelle que soit la culture. Le patriarcat prospère partout!
J'espère que tout va bien pour toi.

Lolo a dit…

On veut un autre article!!!
:o)

J'attends avec impatience!

J'espère que cette absence, ne présage que des bonnes choses?