mardi 6 juillet 2010

rencard raté... zyeutage cynique

Je suis la reine des rencards foireux. Quand ce n’est pas moi qui retrousse ma poisse pour le rater, c’est le destin qui s’acharne pour me fucker ma gueule.
« Mon visage » jeun fille, voyons !
Mon territoire facial, ma zone franche que tout le monde peut visiter sans se faire taxer de voyeur… enfin, quand il se limite à mater… car dans ce café par exemple, tout le monde regarde tout le monde, et pas que pour mater. On dirait qu’on joue à Tajine l7out… vous savez, ce jeu où il faut fixer l’autre sans pouffer de rire en premier…
Moi je n’ai franchement aucune envie de rire. Sans parler de ma tendance à me gratter quand je suis seule. Je suis une sociophobe borderline. La preuve : ça fait une heure que j’aurais dû partir, quand j’ai compris qu’il « ne viendra pas ce soir », mais je redoute tellement les regards qui me poursuivront, les commentaires et blagues faites dans mon dos, à mon dos, mon cul et mes pieds… je sais que je ne suis pas spécialement visée, car ces gens là sont là pour ça… pour distiller une bonne dose de méchanceté conviviale. Je dis conviviale parce qu’ils doivent s’aimer entre eux, de s’offrir des séances d’aussi bon fou-rire.
Je parle bien de ce groupe, 4 mecs et une ébouriffée, sapés comme les blédards qu’ils sont… des gueux qui s’ignorent, ou peut être pas !
J’étais là avant eux, c’est ce qui fait que je n’ai pas subi leur matage intensif. Faut dire que j’ai évité de me lever même avec ma vessie gorgée qui nourrit encore l’infime espoir de gicler. Mais je les ai vus regarder les autres. Ces autres que j’ai moi-même matés parce que je n’avais rien à faire, mais également pour faire diversion. Sembler en méditation plutôt qu’en solitude post-lapin…
Ce qui est marrant quand tu es dans une petite ville, c’est que chaque inauguration de commerce est considérée comme un événement. Les gens se pointent à l’ouverture et s’approprient l’endroit comme s’il avait toujours fait parti de leur existence, certainement pour faire moins blédards…
« Mal centre commercial 3amerna ma kelnah ? » dirait une vieille blague marocaine.
Mais ce groupe de gens là, par exemple, n’a pas trop l’habitude quand même. Ils viennent en groupe pour se taper les bons vieux fous-rires conviviaux parce que s’ils viennent seuls, ils risquent fort bien de se trouver en situation de victime à un autre groupe de gueux.
Je ne parlerai pas de mon rencard raté. C’est un con que j’ai chopé sur le net. Il n’est pas venu, ou peut être que si mais qu’il n’a pas accroché. On peut pas plaire à tout le monde… entre nous, je commence à croire que je ne plais à personne. Mais ça c’est une histoire qui me donne des aigreurs d’estomac.
Je suis des yeux deux adolescentes mimis et super-excitées qui font un paris/Dakar dans les couloirs du centre commercial. Elles viennent des fois se joindre à d’autres ados attablés sur la terrasse puis se relèvent comme électrisées pour faire un autre tour. J’envie les jambes de la brunette. J’ai jamais pu montrer les baguettes qui me servent de jambes tellement elles contrastent avec mon torse démesurément baraqué. Mais ça aussi c’est une autre histoire avec d’autres aigreurs. Pour me consoler, je me dis que seul le cul compte. Le mien est encore bien ferme et rond. Je le regarde tous les jours.
J’ai vu un gars à l’entrée de ce café niché sur la terrasse du centre commercial. Un beau mec, costard cravate, mais légèrement défraichi. Il a dû attendre longtemps dans cet accoutrement, dans ce style et dans cet air de séducteur. Il a dû être tendance à une époque, mais il traine un parfum d’archives. Je sais pas. En tout cas, il regarde tout ce qui passe avec la ferme intention d’exploiter enfin son patrimoine maintenant que le centre commercial attire plus de minettes. Je ne dirais pas non s’il m’abordait. Mais je ne suis pas le genre de filles qui attire sur la place publique.
Un tee-shirt vert flashy me fait tourner la tête. Est-ce qu’elle l’a fait exprès de mettre une couleur tapante à outrance ? Peut être pour montrer ses muscles, car la première impression qu’on a, c’est que c’est une boxeuse. Avec un peu de bedaine quand même et des poignets d’amour… si on peut les surnommer ainsi ! On vous a pas dit mademoiselle que le Slim ou le Skinny a été créé spécialement pour Kate Moss, alias la Brindille ? La mode est un fléau !
J’entends le groupe de blédards rire de plus en plus fort. Ils rigolent de tout ! La forme du cheese-cake, les habits de la vieille petite française, les accessoires bling-bling d’une bimbo deuxième choix, des « So So So So » dans les paroles de « Good bye my lover » que le café nous passe en boucle… l’ébouriffée se sent privilégiée d’être entourée de si redoutables critiques ; elle doit certainement remercier dieu d’être leur pote plutôt qu’une de leurs victimes.
Les deux adolescentes arrêtent enfin de tourner en rond. Je comprends alors qu’elles attendaient leurs petits copains. Chacun des deux boutonneux embrasse sa copine et serre la main de la copine de l’autre… pas encore entamé les plans échangistes.
A ma droite, 4 jeunes femmes, entre 20 et 30 ans, avec des lèvres soulignées en cœur, de grosses lunettes, de bien gros bras nus à la chair fraîche et des décolletés variant entre timide et presque topless. L’une d’elle traine une gamine de 7 ans maximum qui boit leur dialogue avec une avidité perverse. Tout ce qu’il faut pour en faire une petite vicieuse dès que ses mamelons poindront. Elles ne gênent pas pour raconter à tout le café leurs péripéties amoureuses. Avant de se lever, elles lèvent les mains pour prier en chœur de se marier toutes les quatre avant la fin de l’été. Rires clinquants. 2 voisins zmagris, boules à zéro, sacs en bandoulière, se parlent dans leur accent de cité que je ne déchiffre qu’à moitié. Mais il est clair qu’ils ont bien envie de profiter du produit bio du bled. Même le groupe de gueux, se mettent à mater sans railler. L’ébouriffée se sent délaissée.
Quatre autres ados viennent s’attabler pour réviser ! à la guerre comme à la guerre, munitions prêtes rapidement étalées sur la table. Des sandwichs qu’ils mangent avant d’ouvrir leurs bouquins, des bonbons achetés au centre commercial et un litre de lait que le serveur n’a pas l’air d’apprécier. Il leur apporte pourtant des verres pour masquer le produit illicite avant que ça n’attire l’attention du proprio... en souvenir du bon vieux temps dans les rangs de l’école.
Deux garçons se mettent à arpenter les couloirs. En bas, l’un d’eux m’a demandé 3 dh pour prendre un bus pour aller je ne sais où. Je leur ai donné pour éviter de me faire lyncher par eux. Quand on commence à craindre les enfants, où va le monde… Ils s’offrent deux Pepsi, au prix de 4 voyages en bus pour le plaisir de rentrer dans ces endroits de « luxe » et de ne pas gâcher tout le gel qu’ils ont généreusement étalé sur leurs crinières. Dommage que leurs dents pourris et leur accent effroyable trahissent leur nature souillon.
Un verre se casse derrière moi, je me retourne par réflexe et c’est là que je croise ma tête. Soupir. C’est trop demander que de vouloir ressembler à l’une de ces filles qui plaisent ? je ne veux pas être Zeta-Jones, je ne l’assumerais même pas ! Je ne veux pas être un sex-symbol… les sex-symbols meurent seuls de toute façon. Je ne sais pas si je peux être le symbole de quoi que ce soit, la beauté n’étant pas dans le contrat de ma conception.
Tous les regards se figent soudain, à l’entrée spectaculaire d’une nana super canon, super élégante, comme détachée d’un magazine étranger pour se désaltérer dans ce trou perdu. Les gueux, qui étaient bien partis dans une lancée hilare de railler tout et rien, se sentent presque lésés par le regard horrifié et dégoûté de la star. Ils se la bouclent avec ce sentiment d’infériorité partagé dans un silence réprobateur. Moi qui me sens hors du décor, je ne peux que m’amuser de leur complexe profond. Enfin, l’ébouriffée parle : mais pour qui elle se prend celle là ? Et les insultes fusent, les blagues aussi et des rires tout ce qu’il y a de pas sincère. Je suis à la fois contente qu’ils se la bouclent et désolée pour eux, de se sentir ainsi gênés pour ce qu’ils sont, ou pour ce qu’ils ne seront jamais. Assez de compassion : bien fait pour leurs gueules !!!
Mon téléphone sonne… ça doit être Nadia qui s’inquiète de mon retard. Nadia c’est ma meilleure copine, mariée depuis 5 ans, mère de deux enfants, elle rêve de me voir casée. Mais c’est compter sans ma poisse, mon peu de charme et mon cynisme. Mais non ! ce n’est pas Nadia mais Mourad : mon rencard !!
« Allo ? »
« Allo, Samira ? Je suis désolé, j’ai été retenu par ce salaud de patron….. bla bla bla… est-ce que je peux encore te voir ? »
Merde ! Il ne va quand même pas croire que je l’ai attendu tout ce temps là ! Mais envie quand même de voir sa tronche !
« à vrai dire je suis descendue faire des courses au centre commercial, j’en ai encore pour 15 minutes alors si tu veux tu peux m’attendre au café ! »
Et voilà le travail. Je vais enfin faire cette rencontre. Je ne sais pas tout à fait à quoi il ressemble (une photo de loin) et à vrai dire je m’en fous. Je ne nourris plus l’espoir de tomber une belle gueule. Je prends enfin mon courage à deux mains et je me lève de ce siège en m’exposant au risque de me faire railler par les gueux blessés. Ça m’importe peu maintenant que je les ai vus brisés, en fait. Y a encore une certaine justice dans ce monde…
Je me lève à peine de mon siège, que Mourad entre déjà par la porte : oh merde ! je voulais me regarder dans une glace avant et puis je n’ai aucun sachet de courses. Dans ma hâte de l’éviter, je lui rentre dedans…
Une odeur aveuglante envahit mes narines et mes lobes cérébraux d’un coup de fouet ! Un relent hargneux rageant contre la chaleur et les hommes ! Sueur et haleine syncopantes à te propulser dans le collapsus !!
Je ne sais pas s’il a eu le temps de me reconnaitre, je continue ma route en prenant mes jambes à mon cou…
« Non, rien de rien, non, je ne regrette rien ! »

12 commentaires:

Naim a dit…

Excellent billet. Bonne dose d'humour.

A bientôt.

P.S: Pense à changer le background, ça empêche de lire d'une manière confortable.

Marocanication a dit…

Merci!!

Big brother me l'a dit aussi, mais je ne sais pas trop faire.. je vais essayer!
Merci encore :)

Shifty a dit…

J'adore ! On dirait une chronique de rencard macabre raconté par un magazine de filles. La niaiserie en moins. L'auto-dérision intelligente en plus.

Et d'accord pour le background.

Marocanication a dit…

Merci Shifty! je suis contente de recevoir des visites! je sais pas comment faire connaître mon blog (ni comment changer son interface) :)

quant au texte, c'est surtout la triste vérité de mes rencards foireux et du tberguig halal dans les trous perdus :)
Merci pour le compliment en tout cas. Je note l'adresse de ton blog ainsi que celui de Naim pour y passer mes mornes soirées.

Shifty a dit…

Je suis sur Wordpress par sur Blogger. Mais il me semble que tu peux télécharger ta propre photo et la mettre en background. Je ne suis pas plus douée que toi, mais t'inquiètes pas, tu trouveras bien parmi tous les mâles geeks de blogoma.

Dr H a dit…

J'adore! comme tout ce qui est vrai ou qui le parait du moins et qui ne cherche pas a donner des lessons sur une realite bien triste en effet et que nous souhaitons voir changer. Merci pour cette touchante lecture....

Marocanication a dit…

pour donner des leçons faut être maître et je ne suis même pas maîtresse de ma vie Docteur :)
Merci pour ce commentaire et merci de me lire!

Unknown a dit…

Bonjour Samira

Je viens de découvrir ton blog et je suis tombé sous le charme (littéraire, j'entends ;-)).
Je vais souvent au Maroc et en te lisant, je me vois parfois entrain de revivre certaines scènes sur mes compatriotes.

Au plaisir de te lire à nouveau.

Marocanication a dit…

Bonjour Mohammed,

contente que tu sois charmé par le blog ( je n'attends pas plus :) )

On passe souvent à côté de l'habituel. Pourtant, ça peut être d'un risible admirable comme d'un scandaleux ordinaire. Ce que je veux, c'est le souligner :)

Au plaisir.

Anonyme a dit…

ce que je cherchais, merci

Marocanication a dit…

hein?

Anonyme a dit…

J'ai découvert ce blog il ya un moment déjà et j'y reviens souvent dans l'espor de trouver un nouveau billet mais toujours rien. J'espère que tu as trouvé ton "homme" soeur comme tu dis et que c'est la raison pour laquelle tu n'écris plus.
Je reviendrai surement te relire en espérant trouver un nouveau post.
Merci